Texte de Marie Jo Danthony Guérin
Cuisson à la fosse.
Sous l’oeil de la face nord du Pic et la protection du vieux chêne, un rituel s’organise.
La fosse, en creux dans la terrasse calcaire, s’apprête à l’accueil en son sein.
Une grande famille de pièces de céramique de grès, blanches,
modelées ou tournées, bien polies, est préparée avec précaution.
Une fois entourés de résille et de fils de cuivre, de fleurs séchées, de vieux tissus imprégnés d’eau de mer, de peaux de bananes desséchées...les sujets sont religieusement déposés en terre sur un lit de copeaux de bois.
Quelques poudres bleues sont saupoudrées.
Puis, calme et concentré, le maître feu procède à l’enfouissement, sous des strates de bois.
Mikado de bambou comme amortisseur, diverses pièces de bois, fruits de dons ou de récupération, cyprès, thuya, chêne, châtaignier... vieux volets, planches perdues, choisies et retrouvées sont agencées en une accumulation stable et aérée.
Chacun, ce jour, a été invité par la céramiste à modeler un petit être en terre, autant de gardiens pour le feu qui seront déposés là, au bord du trou, figures éphémères, accompagnants de ce rituel de cuisson ancestral.
On crache aussi à son tour, une gorgée de punch en soutien au feu, qui va prendre peu à peu et s’embraser.
Dans ce brasier vif, tout au long d’une nuit, la chimie et la magie des couleurs vont opérer. Des surprises à venir ... des questions aussi.
Le grondement du feu du ciel, lui-même, viendra visiter les veilleurs et même les rafraichir.
Au matin, c’est un nid douillet de cendres chaudes qui caressent les pièces, endormies là. Les exhumer une à une avec une infinie délicatesse.
Instant de découverte curieuse, pour les tons qui affleurent sous la poussière grise.
Déposées avec douceur sur l’herbe si verte de ce printemps pluvieux, en une ribambelle, elles attendent d’être douchées à l’eau claire.
L’éclat des effets en sera révélé : plaisir pur des formes, des traces, des coulures et des couleurs.
Tons rosés, gris et bruns, bleus et noirs vaporisés en paysages chinois, jaunes-orangés nouveaux venus.
Métamorphosée par le feu, une fois séchée sous le soleil d’avril, la tribu va regagner l’atelier du maître céramiste ou se disperser dans la diaspora de ses amis céramistes ou de ses élèves.
La cuvée comme chaque pièce est unique,
le rituel se perpétue à travers les âges dans la joie du partage.
MDG le 5 avril 2024.